En complément de l'article de Libération d'aujourd'hui, nous publions le communiqué du Réseau Education Sans Frontières à propos des violences du dernier vol Paris-Bamako imposé à un sans papier... Un autre récit, proche du premier, accompagné de quelques considérations de RESF.
Ci-dessous
un texte rédigé par des passagers du vol AF 796 pour Bamako du 26 mai.
Pour s’être indigné des mauvais traitements infligés à un Malien
reconduit de force, plusieurs passagers ont été menacés, l’un d’entre
eux interpellé, placé en garde à vue et menacé de poursuites. Pour
finir le vol a été annulé tandis que l’expulsé était évacué en
ambulance, inconscient et langue pendante.
Ces pratiques d’une
extrême violence sont inadmissibles. Mais il est profondément
encourageant de constater qu’elles ne sont pas admises et que,
régulièrement, des passagers se révoltent contre elles. Face à cela, le
précédent gouvernement, comme semble-t-il celui qui est en train de se
mettre en place, réagissent par la tentation de criminaliser une
réaction citoyenne
Bien entendu, le RESF assure Michel Dubois et les
autres passagers du vol AF 796 de son entière solidarité. Il exige
qu’aucune poursuite ne soit engagée contre lui ou contre tout autre
passager.
Il demande instamment à Air France de prendre ses
responsabilités envers les passagers dont elle assure non seulement le
transport mais aussi la sécurité en condamnant avec la plus extrême
fermeté ces violences.
Ce sont les forces de police qui, par leur
brutalité, ont contraint les passagers à intervenir pour les faire
cesser devant l’inaction d’Air France
Le RESF attend des
informations sur le sort du passager dont la reconduite a été
impossible. Quel est son état de santé ? Où est-il ? Quel est le sort
auquel il est promis ?
Ces
affaires (rappel des précédents en fin de document) ne resteront pas
sans suites. Une défense coordonnée des victimes de la criminalisation
de la solidarité est mise en place.
TEMOIGNAGE DES PASSAGERS DU PARIS-BAMAKO DU 26 MAI 2007
Samedi 26 mai. Vol AF 796 pour Bamako.
Quelques minutes avant la fermeture des portes, des cris au dernier rang de l'avion. Une reconduite à la frontière classique.
Deux
personnes tentent de contenir un homme d'une quarantaine d'années qui
se débat violemment. On croit d'abord à une bagarre entre passagers.
Certains veulent les séparer mais en sont vite dissuadés par les
policiers qui se font alors connaître. S'ensuit une scène d'une grande
violence : l'un des policiers pratique un étranglement sur le passager,
l'autre lui assène de grands coups de poing dans le ventre. Ses
hurlements se transforment en plaintes rauques. Cette tentative de
maîtrise dure dix bonnes minutes, peut-être plus, et suscite
immédiatement chez les passagers un mouvement de protestation qui n'a
aucun effet sur les violences en cours.
L'un des passagers filme
la scène avec son téléphone, ce qui énerve un peu plus la responsable
de l'opération, qui menace d'arrestation les personnes les plus proches
et photographie les protestataires.
Pour tenter de faire taire
tout le monde, la policière explique que l'homme n'est pas un simple
sans papiers, mais un repris de justice, soumis à la double peine. Cela
semble à ses yeux justifier la méthode et toute la violence exercée sur
lui.
Sous les huées des passagers, l'homme finit par être
immobilisé et sanglé. Il perd connaissance, yeux révulsés, langue
pendante, écume aux lèvres. Un mouvement de panique gagne les
policiers. Ils prennent alors la décision de l'évacuer. Autour de nous,
de nombreux passagers imaginent que l'homme est mort, ce qui fait
encore monter d'un cran l'émotion. Des femmes pleurent, des gens
convergent de tout l'appareil, rajoutant à la confusion. C'est alors
qu'une bonne dizaine d'agents de la Police des Air et des Frontière, la
PAF, fait irruption dans l'appareil.
Désigné
par la responsable de l'opération, Michel Dubois, qui comme nous tous
avait pris part aux protestations, est débarqué pour auditions.
D'autres passagers, choqués par cette arrestation, sont à leur tour
menacés du même sort.
A bord, on nous demande vainement de nous
rasseoir, de nous calmer mais beaucoup exigent le retour de Michel
Dubois. Un des policiers, visiblement dépassé par la situation, nous
propose alors un marché : Michel pourrait réembarquer à condition que
l'expulsé remonte lui aussi à bord. La balle était donc dans notre
camp, nous serions responsable du retard de l'avion, et même de
l'éventuelle annulation du vol. Michel devenait clairement une monnaie
d'échange
Cette proposition inacceptable est d'ailleurs tout de
suite contredite par un policier de la PAF qui annonce la garde à vue
de Michel Dubois et réitère ses menaces à l'égard des passagers qui
campent sur leurs positions.
Le commandant de bord finit par
faire une annonce, dans laquelle il fait état de "manoeuvres" d'un
individu refusant d'être reconduit dans son pays d'origine, et de
manifestations d'une minorité de passagers pour expliquer l'annulation
du vol.
Nulle mention des violences dont nous avions été témoin,
ni de l'état de santé du passager pourtant aperçu dans une ambulance
stationnée au pied de l'appareil, toujours inconscient et sous
assistance respiratoire.
Nous sommes nombreux, comme Michel
Dubois, à être choqués par la barbarie de la scène, par le traitement
excessivement violent qui a été infligé sous nos yeux à cet homme,
fut-il repris de justice, (ce dont il nous est d'ailleurs permis de
douter, puisqu'afin de ne pas attirer l'attention des autres voyageurs,
les policiers avaient d'abord décidé de le faire voyager sans le
menotter).
Nombreux aussi à avoir la désagréable impression
d'avoir été pris en otage par les autorités et profondément choqués par
l’attitude du Commandant de bord d’Air France qui n’est pas intervenu
pour faire cesser ces violences les tolérant même au mépris de la
sécurité des passagers qu’il se soit d’assurer et en prenant la
responsabilité de faire annuler le vol empêchant du même coup des
centaines de personnes de faire le voyage pour lequel elles avaient
acheté un billet.
Nous
sommes enfin révoltés d'avoir été contraints de devenir complices des
policiers en obéissant aux différentes injonctions et menaces proférées
à notre encontre. Devions-nous laisser se dérouler sous nos yeux des
actes d'une telle brutalité ?
Pouvions-nous accepter
l'arbitraire de l'arrestation de l'un d'entre nous dont le seul tort
avait été de s'indigner et de parler avec les policiers pour tenter de
faire cesser la violence ? Il y a là une pénalisation de la solidarité
qui nous semble inadmissible et inquiétante quant à l'état de notre
démocratie.
Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que cette
scène est un cas isolé, une bavure en somme. Nous savons qu'elle se
reproduit quasi quotidiennement, et nous tenons à manifester notre
indignation en relatant les faits le plus exactement possible.
Michel
Dubois a été relâché quelques heures plus tard, mais on l’a informé que
des poursuites seraient engagées contre lui. Quant au passager Malien,
nous n'avons aucune nouvelle de lui, et son état de santé ainsi que le
sort qui lui sera réservé dans les prochains jours nous inquiètent au
plus haut point.
Des passagers du vol AF 796.
ANNEXE
Pour
mémoire, les cas précédents de répression engagée contre des militants
du RESF ou des personnes ayant agi dans le cadre de ses actions.
*
Michel Guérin jugé pour diffamation à l’encontre d’un préfet, sur
plainte du ministre de l’Intérieur de l’époque, M. Sarkozy après avoir
protesté dans un courrier contre l’expulsion du journaliste Elvis
Kouanga Kazeta. Le verdict est en délibéré.
* Florimond Guimard,
instituteur de Marseille, accusé de violence en réunion avec arme par
destination pour avoir empêché, le 11 novembre 2006, l’expulsion d’un
père algérien de 2 enfants à l’aéroport de Marignane. En réalité, il
s’est contenté de suivre avec sa voiture le véhicule de police qui
transportait l’expulsé. Il sera jugé le 22 octobre et risque 3 années
de prison et 45 000 € d’amende.
*
Kadidja, passagère du vol Paris-Bamako du 29 novembre 2006 a protesté
avec d’autres contre la présence à bord d’un reconduit qu’elle pensait
être Daïm, étudiant toulousain que ses camarades du RUSF et du RESF
étaient venu défendre à Roissy. Elle risque 5 années de prison et 18
000 € d’amende pour entrave à la circulation d’un aéronef.
* Le 2
décembre 2006, François Auguste, vice-président de la Région
Rhône-Alpes, s’adressait aux passagers d’un vol Lyon-Paris pour tenter
d’empêcher l’expulsion d’une famille. Jeté à terre, molesté, placé en
garde-à-vue, il est accusé d’entrave à la circulation d’un aéronef. Il
sera jugé le 26 novembre à Lyon. Il risque 5 années de prison et 18 000
€ d’amende.
* Tout récemment, quatre militants du Collectif de
solidarité avec les Migrants et du RESF de Méru (Oise), par ailleurs
militants FSU et CGT (dont le responsable de l’UL de Méru) ont été mis
en examen pour diffamation envers le maire UMP de Méru pour avoir taxé
de « délation » la volonté affichée du Maire de dénoncer les prétendus
10% de mariages blancs célébrés dans un quartier de la ville. Ils
seront jugés le 29 mai au TGI de Beauvais.
COMMUNIQURE RESF
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