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Jugés vendredi à Paris, sept barbouilleurs de pubs plaident la désobéissance civile.
«Je dédie ma défense à l'entrée défigurée de Douarnenez»
Par Jacqueline COIGNARD
QUOTIDIEN : samedi 13 janvier 2007
«Pour les déboulonneurs ? C'est la 29e chambre, au premier étage.»
Dans le labyrinthe du palais de justice de Paris, un membre de ce collectif antipub s'improvise guide, vendredi matin, pour la centaine de supporteurs des héros du jour : sept barbouilleurs de panneaux publicitaires, poursuivis en correctionnelle pour «dégradations graves». En l'occurrence, le 28 octobre, le commando a bombé deux panneaux devant la gare d'Austerlitz (Paris XIIIe). Aux messages de
l'afficheur Clear Channel qui ne s'est pas constitué partie civile les barbouilleurs avaient substitué leurs propres slogans : «50-70» (format de panneau qu'ils préconisent, soit la taille de l'affichage associatif et politique), «pub = virus mental», ou tout simplement «marre de la pub».
Casier vierge. «Tous les derniers samedis du mois, le collectif antipub appelé les déboulonneurs, que je ne connaissais pas, organise ce genre d'action. Mais au regard du droit pénal ce que vous avez fait est un délit», résume la présidente Sylvia Caillard. Puis elle énumère la liste des prévenus, des gens au casier vierge, dotés de professions diverses (photographe, informaticien, correcteur, designer, commercial, régisseuse), trentenaires pour la plupart.
Appelé le premier à la barre, Yvan Gradis, le seul quadragénaire, déclame en préambule : «Je dédie ma défense à l'entrée défigurée de Douarnenez en venant de Quimper.» C'est le coup d'envoi de trois heures de débats sur l'action politique en démocratie et la notion de désobéissance civile, thèmes peu habituels dans cette enceinte.
«Vous êtes minoritaires !» Hors la loi ? Yvan Gradis explique qu'il s'est battu au sein de l'association Paysages de France pendant cinq ans, pour mener une chasse légale aux panneaux qui défigurent le
paysage en toute illégalité. Il se félicite d'en avoir fait tomber 100 sur 400 dossiers montés. Mais il estime cette démarche inefficace, car «les voies légales sont bloquées». David Sterboul, autre prévenu, renchérit : «Non seulement les afficheurs violent la loi sciemment, mais les préfets refusent de poursuivre quand Paysages de France les alerte avec un dossier complètement ficelé !» C'est ainsi que l'association en vient à poursuivre l'Etat qu'elle a fait condamner 18 fois ces dernières années, indique-t-il.
Céline Rambos ne supporte plus que sa fille de 6 ans soit exposée à 18 panneaux géants sur le trajet de l'école (sept minutes). Jean-Michel Vourgère parle de son père, en sevrage alcoolique et confronté au matraquage des marchands. Aux uns et aux autres, le procureur Laurent Michel répète : «Votez, fondez un parti, constatez que vous êtes minoritaires !» Car, pour le représentant de la société, ces publiphobes sont des peines à jouir intolérants qui veulent imposer leurs valeurs puritaines à des concitoyens qui ne leur en demandent pas tant.
Les trois témoins cités par la défense considèrent, eux, que les barbouilleurs sont de précieux «éveilleurs de conscience». «Je remercie les prévenus d'attirer l'attention sur ces questions-là», dit Jean-François Pellissier, adjoint au maire du XIIIe (les Alternatifs). Maurice Pergnier, sémiologue et linguiste, souligne : «Partout, tous les jours, il y a des gens qui barbouillent. Beaucoup de nos contemporains se sentent agressés.» Quant au professeur Claude Got, après trente-cinq ans de combat contre l'alcool, le tabac et la vitesse au volant, il assure : «La publicité est nuisible. [...] Si j'avais 50 ans de mois, je serais à leurs côtés.» En tant que spécialiste de sécurité sanitaire, il souligne ainsi que, faute de s'être réveillé à temps, on se retrouve à payer 1 milliard d'euros par an aux victimes de l'amiante.
«Monsieur le procureur, la maison brûle et vous regardez ailleurs !» lance Me François Roux, l'avocat des barbouilleurs. Effacés en trois coups de torchon, les dégâts sont évalués au coût du nettoyage (294 euros) par l'afficheur lui-même. Selon l'avocat, ses clients ont mené une action de désobéissance civile de la plus pure espèce : transgression non violente de la loi, à visage découvert et dans l'intérêt collectif. Et de citer «le manifeste des 343 salopes» qui luttaient pour le droit à l'avortement, les objecteurs de conscience pendant la guerre d'Algérie ou, plus près de nous, les Enfants de Don Quichotte et le Réseau Education sans frontières. «Vous trouvez que nous galvaudons cette notion, monsieur le procureur ? Mais si vous habituez les gens à obéir, qui se lèvera quand ce sera nécessaire ? demande l'avocat. Je n'ai pas entendu dire que le corps des
magistrats a répondu en masse à l'appel à la désobéissance du 18 juin 1940.»
«Soyez audacieuse». Me Roux réclame la relaxe, ou au pire, une dispense de peine. Le procureur requiert 500 euros d'amende avec sursis par prévenu, plus que la peine prononcée en juillet à Montpellier contre deux membres du collectif (200 euros d'amende avec sursis). «Nous avons besoin de gens comme eux qui s'engagent, qui s'indignent. Soyez audacieuse madame la présidente. Soyez juge !» s'enflamme Me Roux. Le tribunal répondra le 23 février.
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