Paris, le 9 novembre 2006,
Monsieur le Président,
Nous sommes consternés par le projet de circulaire, rendu public hier matin par « Les Echos », relative à la protection des étrangers malades.
En 1997 et en 1998, la France s’est dotée d’un dispositif répondant à un enjeu éthique majeur : empêcher de mettre en danger la vie et la santé d’un malade en l’expulsant vers un pays où il ne pourrait effectivement bénéficier d’un traitement approprié, et en conséquence lui permettre de résider régulièrement en France.
D’une part, ce projet de circulaire prévoit de lever cette protection, non plus après s’être assuré de l’accès effectif aux soins pour cette personne dans son pays d’origine, mais dès lors qu’une offre de soins existe en théorie. Or tous les spécialistes de
santé publique savent bien que la disponibilité de prestations parfois de haut niveau dans le centre hospitalier ne garantit en rien la possibilité pour la majorité des habitants en particulier pauvres, de pouvoir y recourir.
Dans ces conditions, la signature de la circulaire signifierait le renoncement à ce qui a longtemps été présenté comme une « raison humanitaire » et l’acceptation de laisser renvoyer dans leur pays des malades qui y mourront faute de soins appropriés.
D’autre part, ce texte prévoit manifestement la mise en place d’une violation grave et systématique du secret médical par
l’administration préfectorale. En effet, alors que l’évaluation de l’état de santé et de l’accessibilité du traitement dans le pays d’origine est aujourd’hui menée par des médecins de l’administration, le projet de circulaire recommande aux préfets de statuer seuls sur l’existence de l’offre de soins. Ce qui suppose que leur soient transmises les données médicales nécessaires à cette décision, en violation du secret médical.
Le secret médical peut-il être ainsi levé dans le cadre d’une procédure non judiciaire ?
L’annonce de la préparation de ce texte nous paraît d’autant plus surprenante que le gouvernement avait renoncé à restreindre ce droit aux soins par voie législative lors des débats parlementaires sur la loi relative à l’Immigration et l’Intégration.
Nous vous demandons, Monsieur le Président, d’intervenir auprès du gouvernement pour que ne soit pas émise cette circulaire et de réaffirmer ainsi les engagements de la France concernant le droit des malades, de tous les malades.
Confiants dans l'intérêt que vous porterez à notre requête, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de notre haute considération.
Emmanuel CHATEAU
et Hugues FISCHER,
Co-Présidents d’Act Up-Paris
Patrick MONY,
Président de l’AFVS
Christian SAOUT,
Président de AIDES
Thibaut TENAILLEAU,
Directeur de l’ARCAT
Josette MOUDILOU,
Présidente du CATRED
Patrick PEUGEOT,
Président de la CIMADE
Didier FASSIN,
Président du COMEDE
Bernard ELGHOZI,
Président de CRETEIL-SOLIDARITE
Kamel JENDOUDI,
Directeur de la FTCR
Nathalie FERRE,
Présidente du GISTI
Pierre MICHELETTI,
Président de Médecins du Monde
Mouloud AOUNIT,
Président du MRAP
Yves FERRARINI,
Directeur de Sida Info Service
Gilles MASSON,
Président de Solidarité Sida
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