« J¹inclinerais, pour ma part, à penser qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a mille deux cents ou mille trois cents jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés !
Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d'autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense. » Ainsi pense Nicolas Sarkozy, dialoguant dans Philosophie magazine avec Michel Onfray.
Nous savions que l¹ancien ministre de l¹Intérieur ne veut voir dans les actes de délinquance que la responsabilité individuelle, ignorant la responsabilité sociale. Punir plutôt que prévenir, en niant tous les facteurs sociaux - éducation, chômage, discriminationsŠ - pouvant pousser une personne à commettre un délit. Nous savons aussi que le candidat de l¹UMP a étendu cette responsabilité individuelle à la réussite économique : « Travailler plus pour gagner plus ». Comme si précaires et bas salaires n¹étaient finalement qu¹une horde de fainéants, méritant leur sort. Le possible futur président de la République vient de franchir une étape : pédophiles et suicidaires seraient donc génétiquement programmés à le devenir. Encore une fois, pour Sarkozy, l¹individu est tout, la société n¹est rien.
Cette évolution n¹est pas surprenante. Souvenez-vous de la loi sur la prévention de la délinquance, quand le ministre de l¹Intérieur, s¹appuyant sur un rapport contesté de l¹Inserm et sur les élucubrations du député UMP Jacques Alain Bénisti, souhaitait instaurer une détection précoce des troubles du comportement chez les très jeunes enfants. Sarkozy renoue avec un courant de pensée de la fin du XIXe siècle, les théories de l¹anthropologie criminelle qui prétendaient détecter chez certains individus une tendance naturelle au crime, impliquant l¹inefficacité de la peine et l¹incurabilité du délit. Est-ce cela « la France d¹après » ? On ne sait si le candidat proposera un dépistage systématique des nourrissons et l¹incarcération précoce des « pédophiles positifs ». Demain, Sarkozy nous
expliquera-t-il qu¹il incline à penser que les pauvres aussi sont porteurs d¹un ADN spécifique, que les politiques sociales ne servent donc à rien puisque la réussite professionnelle est génétiquement déterminée ? Une fois gravi le perron de l¹Elysée, il prétendra peut-être que la richesse, elle aussi, semble héréditaire, inscrite dans les gènes des familles fortunées.
Et que la fiscalité n¹a pas à aller à l¹encontre des lois naturelles.
Ces propos ne constituent pas un dérapage, mais bien une vision de l¹Homme et de la société. Elle est totalement incompatible avec les valeurs que TC défend depuis sa création, dans la résistance, alors qu¹une certaine idéologie s¹était emparée de la génétique pour hiérarchiser les populations et éliminer celles jugées déficientes. Plusieurs médecins, comme le généticien Axel Kahn ou le psychiatre Bernard Golse, rappellent que la génétique ne détermine pas un destin. L¹archevêque de Paris André
Vingt-trois est également monté au créneau. Du côté des candidats, François Bayrou juge ces propos « glaçants » et « terriblement inquiétants ». À gauche, on reste étonnamment timide, Ségolène Royal laissant aux scientifiques le soin de répondre. A dix jours du premier tour, une question cruciale nous est posée : la victoire de Nicolas Sarkozy est-elle génétiquement déterminée ?
Ivan du Roy
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