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Le fichier Éloi, ou les glissements progressifs de la xénophobie

par Daniel Borrillo & Éric Fassin

Cet article est extrait du n° 71 de la revue Plein droit (décembre 2006), la revue du GISTI: « Histoires de mobilisations » http://www.gisti.org/doc/plein-droit/71/
Le fichier Éloi, ou les glissements progressifs de la xénophobie
Daniel Borrillo & Éric Fassin
Juriste, Paris-X, chercheur au CERSA (CNRS) ; sociologue et américaniste, Ecole normale supérieure, chercheur à GTMS (EHESS / CNRS)
Bien que les étrangers en général et les sans-papiers en particulier soient déjà abondamment et depuis longtemps fichés, un nouveau fichier – ELOI – a vu le jour discrètement au cours de l’été 2006. Il est prévu d’y inscrire, outre les étrangers en situation irrégulière, leurs enfants, les personnes chez lesquelles ils sont assignés à résidence et celles qui leur rendent visite en rétention. Ce fichier vient donc renforcer un dispositif de contrôle qui pèse sur tous ceux qui sont en contact avec les étrangers, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière.
Face à cette volonté de casser toute manifestation de solidarité avec les étrangers, Daniel Borrillo et Eric Fassin se prennent à rêver à un sursaut citoyen qui, à une « xénophobie subie », opposerait une «solidarité choisie ».
Le plus remarquable, c’est que la nouvelle soit passée inaperçue, ou presque. Un arrêté du 30 juillet 2006, publié au Journal Officiel le18 août, crée un « traitement de données à caractère personnel », justifié par la nécessité de « faciliter l’éloignement des étrangers se maintenant sans droit sur le territoire ». Ce fichier, justement nommé ELOI, ne concerne pas seulement les étrangers en situationirrégulière, mais aussi les personnes qui les hébergent lorsqu’ils se voient assignés à résidence, et celles qui leur rendent visite quand ils sont placés en rétention administrative. Sans doute l’information s’est-elle perdue dans la torpeur de l’été ; on peut pourtant penserqu’il y a quelques années encore, elle aurait provoqué une vague d’indignation. Reste à voir si nos gouvernants auront eu raison de parier sur l’indifférence des uns, et la lassitude des autres, face à l’extension continue du contrôle et de la répression.
Des associations se mobilisent en effet : la Cimade, le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), l’Iris(Imaginons un réseau internet solidaire) et la Ligue des droits de l’homme déposent un recours devant le Conseil d’état. C’est qu’il s’agit de droits fondamentaux, qui touchent les Français non moins que les étrangers.
Au-delà des principes, la création d’ELOI s’inscrit dans une actualité politique. Certes, les « sans-papiers » sont, depuis
longtemps déjà, « sur-fichés ». Mais ce fichier nouveau doit être compris en regard de la circulaire de juin 2006 concernant les
parents étrangers d’enfants scolarisés en France. à cette occasion, beaucoup de clandestins sont sortis de l’ombre, s’exposant au contrôle policier dans l’espoir d’une régularisation administrative qui devait leur être refusée dans la grande majorité des cas. Aussi n’est-ce pas un hasard si doivent figurer dans le nouveau fichier, troublante innovation, avec les noms des étrangers en situation irrégulière, ceux de leurs enfants.
Mais il y a plus. à quoi sert le fichage des hébergeants et des visiteurs ? En quoi peut-il concourir à la finalité revendiquée – «
la lutte contre l’immigration clandestine » ? C’est la seconde innovation, non moins inquiétante que la première. En fait, il faut
bien la comprendre comme le prolongement d’autres mesures. Depuis 2003, les personnes qui en France hébergent des visiteurs étrangers sont déjà fichées, et, au niveau de l’Union européenne, le système d’information sur les visas de court séjour (VIS) étend la mesure à l’espace Schengen. Avec ELOI, la boucle est bouclée : désormais, le fichage et le contrôle concernent tous ceux qui sont en contact avec les étrangers – qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière.
La suspicion se généralise : au-delà des étrangers, elle touche tous ceux qui pourraient leur manifester une solidarité politique ou personnelle, leurs alliés et leurs proches. Les amis des étrangers sont-ils en train de devenir nos ennemis ?
(...)
La suite de l'article est à
http://www.gisti.org/doc/plein-droit/71/eloi.html

Version imprimable | (Im)migrations | Le Dimanche 21/01/2007 | Lu 586 fois



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