S'identifier - S'inscrire - Contact


Centre média local de Seine-Saint-Denis (Riv'Nord et Rapsode): atelier "Actualités filmées"

Réunion d'information vendredi 8 décembre à 17h30

Nous pensons que la crise du politique en France, vécue depuis plusieurs années, est le fait d’un double manquement à l’intérêt général et au bien commun :

- la non-représentativité et/ou la non-représentation des habitants du pays France de la part de leurs représentants au Parlement et au Gouvernement. Les élus et les technocrates dont ils sont flanqués ne représentent le plus souvent pas la majorité de la société civile du pays, ni en termes d’identité ni en terme politique, puisqu’ils représentent souvent des intérêts privés.

- la non-représentation des habitants dans les médias dominants et en particulier, au sein du plus important des mass-media, la télévision, tant publique que privée. La majorité de la société civile est le plus souvent absente des représentations proposées à la télévision, excepté dans les formes cinématographiques qui y sont proposées, le film de fiction et le documentaire. Et, quand elle y figure, c’est individuellement et/ou comme élément d’un dispositif de divertissement (le public dans une émission de variété) et, parfois, dans les dispositifs d’information du type journal télévisé, comme témoin éphémère au mieux, comme figurant d’un discours journalistique ou enjeu de communication le plus souvent.
 



Titre de l’atelier : “SAISIR/CONSTRUIRE LE REEL“ atelier de réalisation d’actualités locales ou non-locales d’ici et d’ailleurs pour Jeunes Reporteurs d’Images.



Objectifs de l’atelier :


1) Réaliser 2 ou 3 films de 10 min maxi chacun, sur ou à partir de l’actualité. Expression libre à partir du présupposé connu : des formes en usage - reportage, news, clips, fiction – pour aller vers le présupposé inconnu : les différentes formes documentées du cinéma.

2) Permettre aux habitants de se confronter par eux-mêmes à ce que peut être la fabrication d’une représentation : comment on la constitue, à partir de quoi (le réel, le factuel, les représentations antérieures, etc.), comment on la partage et qu’est ce qu’on partage

3) Offrir un réel contrechamp à l’actualité télévisuelle, proposant une autre façon de voir, de faire, et de montrer.



4) Concilier une approche empirique (découlant d’un ancrage sur la ville) et une approche formelle, différente de la forme télévisuelle plus à même de proposer une construction du réel qui soit plus juste que les formes majoritaires en circulation.



5) Promouvoir l'expérimentation et l'innovation culturelle, le décloisonnement des cultures et des quartiers, l’échange transgénérationnel et transculturel.



6) Diffuser les films réalisés à un public plus large, notamment dans les salles de cinéma art et essai du département de la Seine-Saint-Denis et promouvoir ainsi les débats et les échanges publics.



Descriptif :

Nous pensons que la crise du politique en France, vécue depuis plusieurs années, est le fait d’un double manquement à l’intérêt général et au bien commun :



- la non-représentativité et/ou la non-représentation des habitants du pays France de la part de leurs représentants au Parlement et au Gouvernement. Les élus et les technocrates dont ils sont flanqués ne représentent le plus souvent pas la majorité de la société civile du pays, ni en termes d’identité ni en terme politique, puisqu’ils représentent souvent des intérêts privés.

- la non-représentation des habitants dans les médias dominants et en particulier, au sein du plus important des mass-media, la télévision, tant publique que privée. La majorité de la société civile est le plus souvent absente des représentations proposées à la télévision, excepté dans les formes cinématographiques qui y sont proposées, le film de fiction et le documentaire. Et, quand elle y figure, c’est individuellement et/ou comme élément d’un dispositif de divertissement (le public dans une émission de variété) et, parfois, dans les dispositifs d’information du type journal télévisé, comme témoin éphémère au mieux, comme figurant d’un discours journalistique ou enjeu de communication le plus souvent.

C’est-à-dire que cette crise de la représentation est une crise profonde de la démocratie. Et là, il est tentant de se référer à Jacques Rancière dont l’ensemble des travaux nous guide vers une approche différente de celle que nous connaissons au quotidien.



Extrait d’un entretien publié en décembre 2005 à l’occasion de l’édition de ces deux derniers ouvrages " La haine de la démocratie " et " Chroniques des temps consensuels "
"- Qu'est ce pour vous la démocratie ?
- La démocratie n'est ni la forme du gouvernement représentatif ni le type de société fondé sur le libre marché capitaliste. Il faut rendre à ce mot sa puissance de scandale. Il a d'abord été une insulte : la démocratie, pour ceux qui ne la supportent pas, est le gouvernement de la canaille, de la multitude, de ceux qui n'ont pas de titres à gouverner. Pour eux, la nature veut que le gouvernement revienne à ceux qui ont des titres à gouverner: détenteurs de la richesse, garants du rapport à la divinité, grandes familles, savants et experts. Mais pour qu'il y ait communauté politique, il faut que ces supériorités concurrentes soient ramenées à un niveau d'égalité première entre les "compétents" et les "incompétents". En ce sens, la démocratie n'est pas une forme particulière de gouvernement, mais le fondement de la politique elle-même, qui renvoie toute domination à son illégitimité première. Et son exercice déborde nécessairement les formes institutionnelles de la représentation du peuple.



- Vous placez l'égalité au fondement de la démocratie, pourquoi ?
- L'égalité n'est pas un but à atteindre, au sens d'un statut économique ou d'un mode de vie semblable pour tous. Elle est une présupposition de la politique. La démocratie est le pouvoir de n'importe qui, la contingence de toute domination. Ce n'est pas l'idée que le pouvoir doit travailler pour le bien du plus grand nombre mais celle que le plus grand nombre a vocation à s'occuper des affaires communes. L'égalité fondamentale concerne d'abord la capacité de n'importe qui à discuter des affaires de la communauté et à les mettre en oeuvre."

Or, notre expérience humaine et notre expérience de réalisateur de films comme de citoyen nous confirment que les gens sont capables de produire eux-mêmes des informations complètes sur leurs propres activités ou d’élaborer des points de vue originaux et collectifs sur la vie de la cité. Comme beaucoup, nous sommes choqués par le traitement quotidien de la vie sociale par les mass-media, et tout particulièrement, il y a déjà longtemps par celui des grandes grèves de 1995 (qui ont donné naissance à nombre de médias alternatifs) ou, ces dernières années, par celui du référendum sur le traité constitutionnel ou l’effervescence de la jeunesse des banlieues…

(entretien avec Jacques Rancière, suite) "

- Que vous inspire la révolte des banlieues ?
- C'est un autre effet du mépris dans lequel est tenue la capacité du plus grand nombre. Il ne s'agit pas d'intégrer des gens qui, pour la plupart, sont Français mais de faire qu'ils soient traités en égaux. Le problème n'est pas de savoir si des gens sont mal traités ou mal dans leur peau. Il est de savoir s'ils sont comptés comme sujets politiques, doués d'une parole commune. Et le sens de la révolte est aussi lié à leur propre capacité à se considérer comme tels. Apparemment ce mouvement de révolte n'a pas trouvé une forme politique, telle que je l'entends, de constitution d'une scène d'interlocution reconnaissant l'ennemi comme faisant partie de la même communauté que vous. La réaction à une situation d'inégalité est une chose. L'égalité, elle, se manifeste politiquement quand les exclus se déclarent comme inclus dans leur manière même de dénoncer l'exclusion. Pour sortir d'un schéma médical de traitement expert des symptômes, il faut que se dégage une forme de subjectivation, traversant toutes les médiations culturelles, sociales, religieuses pour de venir la parole d'un "nous" qui construise une scène matérielle où la parole se fait acte.



- Disciple d'Althusser, vous avez été marxiste, comment en êtes vous revenu ?
 - Il ne s'agit pas de revenir mais d'avancer. Mai 68 a mis en déroute le schéma intellectuel althussérién qui voulait apporter la science aux masses. A partir de là, j'ai étudié l'histoire de l'émancipation ouvrière et j'ai compris que ce n'avait jamais été une affaire de prise de conscience d'une exploitation ignorée. A la racine de l'action émancipatrice, il y avait la volonté de mettre en oeuvre une égalité immédiate. Ils voulaient se constituer, dès maintenant, un corps, une manière de vivre, de penser, de parler qui ne soit pas celle assignée à l'ouvrier en fonction de sa naissance et de sa destination. A partir de là j'ai dégagé l'idée d'une dimension esthétique de la politique qui est une structuration des données sensibles elles-mêmes avant d'être une affaire de pouvoir et de lois : le partage du sensible. La politique institue un autre temps et d'autres vitesses, donne de la visibilité à des choses qui n'en avaient pas et ouvre une scène commune où des gens que l'on considérait jusqu'alors comme bons seulement à travailler se montrent capables de parler et d'agir ensemble. La notion même d'esthétique implique une forme d'expérience partagée par n'importe qui, autant dire une pensée du destinataire anonyme, une sorte de pouvoir affirmé de l'anonyme dans le monde de l'art, correspondant en dernière instance au pouvoir de l'anonyme qui est au fondement du politique. D'ailleurs, c'est dans le même mouvement qu'apparaît, à la fin du XVIIIe siècle, une articulation contradictoire entre l'égalité comme fondement de la politique et cette forme spécifique d'égalité, de suspension de hiérarchies dans l'art, qui fait appel à une communauté partagée par n'importe qui."


C’est exactement ce pourquoi nous avons créé ce Centre Média Local à Saint-Denis, où il est question de fabriquer ces actualités "démocratiques". Et c’est là aussi exactement comment nous abordons l’appropriation des outils audiovisuels et du cinéma par les habitants.
Reconstituer une communauté égalitaire par un partage du sensible grâce au partage de quelques moyens de vision (et aussi de visée), d’abord, qui sont aussi des moyens d’expression. Avant d’exprimer ce qu’on voit, en effet, encore faut-il avoir la capacité de regarder. Et les outils audiovisuels sont là pour ça, la caméra, construite sur le modèle de la camera oscura de Léonard de Vinci (permettant la vision en perspective, c’est-à-dire en profondeur, avec des avant-plans, des arrière-plans… et définissant un cadre, lequel découpe dans la réalité perçue ce qu’on regarde plus attentivement et ce qu’on désire montrer ) et aujourd’hui le logiciel de montage (qui permet l’organisation des plans, c’est-à-dire de la représentation du monde qu’on veut construire et montrer).

L’actualité que nous produisons est une information se dégageant d’elle-même de la rencontre filmée avec une situation et les personnages qui la vivent. Elle s’inspire du cinéma direct et se fonde sur la relation créée par le(les) filmeurs avec la(les) " chose(s) " filmée(s). La vidéo légère permet une approche souple et sensible d ’une situation donnée et des personnes qui la vivent. L’utilisation de l’écran de contrôle autorise une part de recul et la possibilité " d’embrasser " la situation dans sa globalité, pourvu qu’on ait auparavant préparé et documenté son approche.

C’est ensuite au montage que la documentation et le recul temporel et matériel vis-à-vis du matériau enregistré permettent une construction savante et réfléchie, mais toujours à partir d’un matériau vif et sensible. Ensuite, le recul et la contextualisation du phénomène décrit peuvent prendre différentes formes, du simple carton d’information au commentaire très écrit, ou à l’usage d’images et de sons d’origines diverses en juxtaposition, tout est acceptable du moment qu’il y a présentes ces deux phases complémentaires, la saisie vivante du réel dans son déroulement à la prise de vue, la construction d’un regard savant et personnalisé au montage.
On pourra ainsi s’appuyer tant sur le travail de Frédérick Wiseman ou en France, Raymond Depardon, pour ce qui est du cinéma direct, que sur celui de Chris Marker, pour ce qui est du regard à distance porté par un commentaire (Le Fond de l’air est rouge ou Sans soleil).



Dans nos actualités, pas question de rendre compte de la complexité et de la totalité d’un phénomène social ou culturel d’ordre général. Une actualité, dans le temps réduit de 5 à 10 minutes, ne peut qu’être partielle, l’enjeu est alors de la compléter avec une autre, puis une autre et une autre encore, de proche en proche.
Cela veut dire travailler dans l’hypothèse de la série se déployant à partir d’un fait brut rencontré sur son chemin. Cette formule a l’avantage d’obliger à suivre l’évolution d’une situation ou d’un phénomène, dans le temps et dans ses divers aspects. Cette hypothèse de la série rendant compte de différentes facettes d’un même phénomène ou de l’évolution dans le temps et l’espace d’une même situation est la nôtre. Ce ne sera pas nécessairement celle choisie par les stagiaires auxquels nous présenterons diverses possibilités narratives et temporelles.


En tout cas, plus question du bombardement d’images et de catastrophes du journal télévisé traditionnel, du 13h ou du 20h. Il s’agit de rencontrer ses contemporains dans leur vécu et leur prise de conscience, de les accompagner dans leurs soubresauts et rebondissements mentaux et physiques pour accéder à une autre réalité, et, ce faisant, de cheminer soi-même, dans son corps et sa pensée.
 
Cette image à facettes a l’avantage de présenter (c.a.d rendre présent) un monde en construction bien plus qu’en destruction, s’appuyant sur un passé défini mais intégrant comme une figure du possible un futur en mutation sur lequel les humains ont prise, bel et bien.
Le choix de la fabrication par des jeunes qui habitent la ville et participant à sa vie au quotidien, ainsi que l’opportunité de la diffusion de telles séries d’actualités dans les salles de cinéma publiques du département de Seine-Saint-Denis crée alors les conditions de la circulation d’une information réellement en prise sur le terrain et sur l’action, à long terme, et éduque les habitants de Seine-Saint-Denis à regarder leur environnement et leurs semblables dans une nouvelle perspective, prenant en compte la question de l’espace-temps, dans sa dimension nécessaire à toute vie, la durée et dans l’hypothèse primordiale de l’évolution et de la transformation (de soi comme des autres) .


La diffusion en salles permet aussi de déplacer le regard sur l’information, en la dégageant de l’impératif du flux propre à la télévision dominante, et la replaçant dans le dispositif du cinéma, c’est-à-dire du partage avec une communauté spécifique et anonyme, et pourtant affinitaire (le fait d’être venu ensemble voir le même film au même endroit). L’information retrouve alors la magie d’un écran sur lequel des formes sont projetées et regardées collectivement dans la complicité du noir, propre à faire jaillir nos rêves ou notre imaginaire.



Articulation pédagogique et méthodologique
:

Nos ateliers visent à ce que nous appelons la formation/production : apprendre dans une situation réelle de production, en lien avec la vie locale, et fabriquer un objet dégagé des modèles observés habituellement, que nous accompagnons de bout en bout, afin de réaliser un produit commun satisfaisant et de gagner en autonomie individuelle. La participation à l’atelier “Saisir/Construire le Réel“ permettra à la fois de réfléchir aux modalités, aux contraintes et aux conventions de l’actualité médiatique contemporaine, de lui envisager de réelles alternatives du côté du cinéma, de disposer d’un matériel performant permettant le tournage et le montage de ces films, et de réaliser ces petits espaces de liberté où une voix singulière (individuelle ou collective) trouverait à s’incarner.
Pour le cas des actualités d’ici, ce travail se fait en contact direct avec le territoire habité ou pratiqué, sur des sujets actuels et vivants, ce qui permet de trouver collectivement des pistes de résolution, de solidarité, de liens, et prouve, y compris à eux-mêmes, la capacité à voir, à faire, à penser des habitants du territoire. Cela peut à terme contribuer à produire une meilleure image de ce territoire et de ces habitants et surtout à le dynamiser positivement, en termes sociaux et culturels.
Pour celui des actualités d’ailleurs ou plus globales, cela se fait par une approche documentée approfondie (presse, audiovisuel et cinéma, internet) et une réflexion individuelle ou collective partagée avec le groupe suivies d’une écriture spécifique.
En termes de méthode, cela signifie une alternance entre critique et empirisme, apprentissage et fabrication : d’une part analyse des médias et de films, d’autre part, une pratique à la mesure des moyens mis en œuvre, mais intensive et productive. Cela signifie aussi que le formateur, plus qu’un professeur, doit être un accompagnateur et un révélateur, un révélateur de possibles.



Programme :

L’éventail de ces outils et techniques, à la fois théoriques et pratiques, tend à développer chez le fabricant des actualités la capacité à produire une information autonome sur une situation donnée, à saisir en direct la substance d’un phénomène singulier, dans une économie de moyens (une unité de tournage, un ou deux opérateurs) sans adjonction de voix off ou commentaire superflus :
- Exercices de prise de vues et prise de sons répétés (comment saisir en un plan fixe une situation donnée, utilité et sens d’un mouvement d’appareil, construction d’un film en dix à quinze plans maximum, …)
- Visionnage et analyse d’actualités d’antan et d’aujourd’hui, de films amateurs et professionnels, ayant un rapport direct avec le travail en cours (cinéma direct et documentaires très écrits).
- Rappel théorique de la fabrication d’une information (notions de déontologie de l’information, approche mentale d’une situation, techniques de documentation préalable sur un sujet à traiter, notions d’empathie et de distance, notions de point de vue documenté, …)
- Approche de l’interview en situation, recueil de témoignages, la relation filmeur/filmé - Approche théorique et pratique du montage expressif (syntaxe des raccords, notions de rythme, dramaturgie, …) - Préparation, écriture et réalisation de courts-métrages d’actualités, gestion de la production
- Mise en pratique de l'acte de programmation.



Centre média local de Seine-Saint-Denis (Riv'Nord et Rapsode)

Centre des Bateaux-Lavoirs, 1 quai du Square 93200 St-Denis tél. 01 42 43 00 45 rivnord@free.fr http://rivnord.viabloga.com   http://rapsode.free.fr

Version imprimable | Centre média local | Le Jeudi 07/12/2006 | Lu 2241 fois



Centre média local de Seine-Saint-Denis

Centre média local de Seine-Saint-Denis (CML93), animé par Riv'Nord et Rapsode


Audios / Vidéos

Répertoire des productions audio et vidéo à écouter ou regarder en ligne