Quelques extraits du fameux dossier du journal Marianne / 14-20 avril 2007, puisqu'en effet, la plupart des médias dominants ne semblent pas vouloir communiquer cetrains faits ou propos pourtant significatifs. Pourquoi ? Qui sait ? Probablement pour les raisons mêmes qui sont exposées dans ces lignes.
En tout cas, il nous semble utile de le relayer.
Dossier par Jean-François Kahn, avec Serge Maury, Philippe Cohen, Laurence Dequay et le service France de Marianne
Extraits
(...)
le personnage fait peur.
Pourquoi ? Parce que ses entreprises de séduction envoûtent. Parce
qu’il dispose, partout, et surtout dans les médias, d’amis dans la
place et très haut placés ? Ou parce qu’on redoute la brutalité de ses
réactions ?
(...)
Il n’a plus besoin d’intervenir.
Or, comme on de prête qu’aux riches, on soupçonne systématiquement
Sarkozy d’être intervenu. Mais, le plus souvent, ce n’est pas le cas.
Ce n’est pas la peine. Il n’a même plus besoin.
(...)
Les confrères étrangers, eux, n’ont évidemment pas ces pudeurs. Le correspondant à Paris d’une radio suédoise interroge tout de go : "Sarkozy ne représente-t-il pas un risque de dictature ?" Un journaliste de la télévision croate qui a suivi le candidat dans ses prérégrinations en dresse un portrait, d’ailleurs exagéré, à faire dresser les cheveux sur la tête. Le Süddeutsche Zeitung de Munich dépeint "un macho sans scrupule et brutal qui joue avec la peur des gens". Le Frankfurter Allgemeine Zeitung lui décerne le prix de "l’homme politique le plus ambitieux et le plus impitoyable d’Europe qui n’a pas de vraie conviction, mais s’aligne sur l’humeur du peuple". Le quotidien espagnol El Païs voit en lui un héritier populiste des "régénérationnistes de la droite espagnole de la fin du XIXe siècle". Le Tageszeitung de Berlin (de gauche, il est vrai) décrit un George Bush tricolore qui veut imposer en France l’idéologie de la droite néoconservatrice américaine. La presse italienne insiste sur sa proximité avec la droite post-fasciste de la péninsule (qui s’est, avec Gianfranco Fini, ouverte à la modernité). Si la presse conservatrice britannique identifie volontiers, avec admiration, Sarkozy à Mme Thatcher, la plupart des journaux européens, en particulier scandinaves, l’assimilent plutôt à un aventurier néobonapartiste qui représenterait une grave menace pour la démocratie. (...)
Tous les journalistes politiques savent, même s’ils s’interdisent (ou si on leur interdit) d’en faire état, qu’au sein même du camp dont Sarkozy se réclame on ne cesse de murmurer, de décliner, de conjuguer. Quoi ? Ca ! Lui confier le pouvoir, c’est, déclara Jacques Chirac à ses proches, "comme organiser une barbecue partie en plein été dans l’Estérel". Claude Chirac a, elle, lâché cette phrase : "J’aurais préféré Juppé. Lui, au moins, c’est un homme d’Etat". Le ministre libéral François Goulard ne le dissimule pas : "Son égotisme, son obsession du moi lui tient lieu de pensée. La critique équivaut pour lui à une déclaration de guerre qui ne peut se terminer que par la reddition, l’achat ou la mort de l’adversaire." Sa principale faiblesse ? Son manque total d’humanisme. "Chirac, lui, a le souci des autres, de l’homme, Sarkozy écrase tout sur son passage. Si les Français savaient vraiment qui il est, il n’y en a pas 5% qui voteraient pour lui." (...)
Bien sûr, si les chiraquiens maintenus, les derniers villepinistes, les ultimes vrais gaullistes, quelques libéraux ou ex-centristes ralliés à l’UMP confient, à qui veut les entendre (mais les journalistes les entendent et n’en rapportent rien), que l’hypothèse d’une présidence Sarkozy les terrifie ; qu’il y a "de la graine de dictateur chez cet homme-là" ; que, constamment, "il pète les plombs", de très nombreux élus UMP, les plus nombreux, sont devenus des groupies enthousiastes de l’homme qui seul peut les faire gagner et dont personne ne nie les formidables qualités de battant. Et le courage. Mais même eux n’étouffent pas totalement leur inquiétude et soulignent volontiers sa violence. "Oui, c’est vrai, reconnaît l’un d’eux, il antagonise, il clive, il joue les uns contre les autres avec la plus extrême cruauté." "Il n’est vraiment totalement humain, confie un autre, que quand il s’agit de lui-même." "Il a un problème de nerfs, de paranoïa, admettent-ils tous, mais il s’arrange, il mûrit, il se densifie." Voire... (...)
Le publicitaire Thierry Saussez, qui lui est tout acquis, explique que "sa manière de faire de la politique renvoie à ce que les patrons et les salariés vivent dans leurs entreprises". Tout est business. (...)
Le problème Sarkozy, vérité interdite, est ailleurs. Ce
que même la gauche étouffe, pour rester sagement confinée dans la
confortable bipolarité d’un débat hémiplégique, c’est ce constant
indicible : cet homme, quelque part, est fou ! Et aussi fragile. Et la
nature même de sa folie est de celle qui servit de carburant, dans le
passé, à bien des apprentis dictateurs.
Oh, évidemment, cela se murmure, au point même de faire déjà, au
sein de la couche supérieure de la France qui sait, et au fond des
souterrains de la France qui s’en doute, un boucan d’enfer. Les
médiateurs savent, les décideurs le pressentent. Mais les uns et les
autres ont comme signé un engagement : on ne doit pas, on ne doit sous
aucun prétexte, le dire.
(...)
Ecoutons ce que nous confie ce député UMP ; issu de l’UDF, officiellement intégré à la meute "de Sarkozy" : "On dit qu’il est narcissique, égotiste. Les mots sont faibles. Jamais je n’ai rencontré une telle capacité à effacer spontanément du paysage tout, absolument tout, ce qui ne renvoie pas à lui-même. Sarko est une sorte d’aveugle qu monde extérieur dont le seul regard possible serait tourné vers son monde intérieur. Il se voit, il se voit même constamment, mais il ne voit plus que ça." (...)
Quelque chose en lui, d’irrépressible, toujours, l’entraîne au-delà. "Sur un vélo, rapporte Michel Drucker qui a souvent pédalé à ses côtés, même quand il s’agit d’une promenade, il se défonce comme s’il devait constamment battre un record." (...)
Comme si l’univers tout entier était devenu un miroir
qui ne lui renvoie plus que son reflet, quitte à entretenir constamment
chez lui l’angoisse que le miroir lui dise un jour, comme à la marâtre
de Blanche-Neige, qu’il n’est "plus la plus belle".
C’est pourquoi d’ailleurs - et même ses proches s’en effarent -,
il vit constamment immergé dans les enquêtes d’opinion, qui, plusieurs
fois par jour, ont pour objet de le rassurer sur l’évolution de son
image. Un argument ne passe pas ? On y renonce. Un mot fait tilt ? On
le répète à satiété. Une peur s’exprime ? On la caresse dans le sens du
poil. Le public veut des expressions de gauche ? On lui en servira. Une
musique d’extrême droite ? On la lui jouera. Il a même été jusqu’à
faire l’éloge de la violence sociale... des marins pêcheurs.
(...)
Cette abyssale hypertrophie du moi, à l’évidence, entretient chez Sarkozy cette hargne de conquête, de contrôle, cette boulimie de pouvoir exclusif, le conduit à éradiquer toutes les concurrences potentielles et à neutraliser, à étouffer contestations et critiques. Il suffit, d’ailleurs, de l’écouter, mais aussi de le regarder "être" et "faire". Jamais il ne se résout à n’être qu’un membre, fût-ce le premier, d’un collectif. Forcément l’unique, le soleil autour duquel tournent des affidés. D’où sa prédilection pour un entourage de groupies de grandes qualités et de grands talents, à la vie à la mort, "une garde rapprochée", comme on dit, mais aussi de porte-serviettes et de portes-flingues, de personnages troubles encombrés de casseroles et de transfuges. Avec eux, peu de risques ! (...)
On évoque obsessionnellement le danger Le Pen. Il
existe un risque, en effet. Un terrible risque que, comme en 2002, le
leader de l’extrême droite déjoue tout les pronostics et porte ainsi un
nouveau coup à notre système démocratique. Mais tout le monde sait que
Le Pen, lui, ne sera pas élu président de la République. Heureusement,
il ne dispose, lui, contrairement à son adversaire - concurrent de
droite (à l’égard duquel il fait preuve d’une certaine indulgence), ni
du pouvoir médiatique, ni du pouvoir économique, ni du pouvoir
financier. Pouvoirs qui, en revanche, si Sarkozy était élu - et il peut
l’être -, ainsi que le pouvoir policier et militaire, seraient
concentrés, en même temps que les pouvoirs exécutif et législatif,
entre les mêmes mains, lesquelles disposeront, en outre, d’une majorité
au Conseil constitutionnel, au CSA et au sein de la plupart des
institutions du pays.
Hier, le journal La Tribune trappait un sondage parce qu’il
n’était pas favorable à Sarkozy ; une publicité pour Télérama était
interdite dans le métro parce qu’elle était ironique à l’égard de
Sarkozy ; un livre était envoye au rebut, le patron d’un grand magazine
également, parce qu’ils avaient importuné Sarkozy ; Yannick Noah était
censuré, parce que ses propos déplaisaient à Sarkozy. Aucun journal,
fût-il officiellement de gauche, n’a échappé aux efficaces pressions de
Sarkozy.
(...)
80 000 nouveaux exemplaires du numéro de Marianne consacré au « vrai Sarkozy »
Marianne a répondu à la demande de nombreux lecteurs qui ne
parvenaient pas à se procurer le numéro « Le vrai Sarkozy » : dès
vendredi matin, 80 000 nouveaux exemplaires seront disponibles en
kiosque.
Les deux premiers tirages (360 000 exemplaires) étant épuisés,
Marianne a décidé de réimprimer 80 000 exemplaires du numéro 521 « Le
vrai Sarkozy », mis en place à partir de ce vendredi matin.
La mise en place totale s’élève donc à 440 000 exemplaires (sans
doute la plus forte mise en place qu’ait jamais effectué un news
magazine), pour un tirage de 580 000 exemplaires et une diffusion
totale d’environ 500 000 exemplaires.
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