Sommaire :
- Libération - mardi 7.11.2006
La lutte permanente des intermittents
Bruno Masi
- Journal l'Humanité
Article paru dans l'édition du 30 octobre 2006.
Les intermittents pris entre mensonges et trahisons
Marie-José Sirach
- Politis
Coup de Trafalgar
Ingrid Merckx
Libération
La lutte permanente des intermittents
Le protocole du 18 avril provoque la colère des professionnels.
Par Bruno MASI
QUOTIDIEN : mardi 7 novembre 2006
http://www.liberation.fr/culture/215410.FR.php
Après l'annonce par la CFDT de son intention de signer le protocole du 18 avril ( Libération du 27 octobre), les intermittents du
spectacle font bloc. La semaine dernière, une assemblée générale organisée au théâtre du Rond-Point à Paris réunissait 900
professionnels chauffés à blanc, bien décidés à reprendre le flambeau d'une contestation émoussée. Le revirement de situation (et, pour certains, le retournement de chemises) est si flagrant qu'il suscite les sarcasmes de professionnels, agacés de dépendre des matchs obscurs entre le ministre de la Culture (et plus largement le gouvernement) et les syndicats.
Joutes. Désormais, le dossier intermittents figure en bonne place sur la pile des monnaies d'échange. Les annexes 8 et 10 (qui gèrent l'indemnisation chômage des artistes et des techniciens) ont quitté le terrain de la lutte corporatiste pour celui des joutes politiciennes ambiguës. Pour preuve, la tentative du PS de présenter mi-octobre une proposition de loi (soutenue par de nombreux députés UMP), dans le cadre d'une niche parlementaire, a fait long feu.
Désormais, ce qui est cédé sur le «statut» des intermittents est forcément récupéré lors des négociations liées aux autres caisses d'assurances chômage. Une circulation en «vases communicants» que dénoncent les 100 000 professionnels, déjà rincés par trois ans de mobilisation.
Pour beaucoup, l'accord du 18 avril reprend, voire conforte, les dispositions prévues par celui du 26 juin 2003. La plus critiquée est la modification de la période de référence, soit une centaine d'heures de travail supplémentaires sur 12 mois. En clair, pour être indemnisé, un artiste devra travailler 507 heures sur 10,5 mois (ou 579 heures sur 12), un technicien, 507 heures sur 10 mois (ou 607 sur 12). Un point de désaccord majeur, puisque les intermittents ont toujours prôné le retour à la règle initiale des 507 heures sur 12 mois comme période de référence. Pour la coordination des intermittents d'Ile-de-France, cette mesure va entraîner la radiation «automatique» de 34 000 allocataires, pas moins. Pour l'un de ses représentants, «ce chiffre ne relève pas d'un jeu rhétorique mais des mathématiques. Tout le monde a compris que le 18 avril est la copie conforme du 26 juin. Quand le ministre de la Culture est arrivé rue de Valois, il s'était clairement prononcé contre le protocole du 26 juin. Il se retrouve maintenant à soutenir un texte qui est aussi calamiteux que le précédent».
Calendrier. Au ministère, on avance comme ligne de défense le «jeu trompeur des apparences» : «Les deux textes sont très différents, mais seuls les spécialistes peuvent s'en rendre compte. 34 000 est un chiffre fantaisiste qui ne repose sur aucune base solide.» Hier soir, les intermittents étaient à nouveau réunis pour envisager le calendrier des actions à mener. Une chose est sûre : la polémique semble bien relancée. Elle nous réserve des bons moments cet hiver.
Journal l'Humanité
Rubrique Cultures
Article paru dans l'édition du 30 octobre 2006.
Culture
Les intermittents pris entre mensonges et trahisons
UNEDIC . La CFDT s’est définitivement ralliée au MEDEF et signe, avec la bénédiction du gouvernement, un texte rejeté par les artistes et les techniciens.
Au nom du « dialogue social » et des risques encourus « pour la solidarité interprofessionnelle si la proposition de loi (PPL) était adoptée », Renaud Donnedieu de Vabres, le ministre de la Culture, exprime devant un hémicycle clairsemé, le 12 octobre, les raisons pour lesquelles les députés ne devraient pas voter la loi. Rédigée par M. Albertini, UDF, et présentée dans le cadre d’une niche parlementaire PS, cette loi comprend un article unique qui définit « les modalités de l’ouverture des droits à indemnisation, sur une période de référence de douze mois, avec une date d’anniversaire fixe et le versement d’une indemnité sur l’ensemble de cette même période de référence. Le versement de cette indemnité journalière minimale plafonnée garantit l’égalité de traitement et incite à la déclaration de toutes les heures travaillées ». Une loi-cadre, selon les souhaits de l’ensemble des parlementaires de tout bord membres du Comité de suivi, qui devait permettre aux partenaires sociaux de négocier de nouvelles annexes 8 et 10. Le ministre évoque, lui, une vague promesse de la CFDT et son éventuelle signature. Le « risque » est réel, à ce moment précis, que la PPL soit adoptée au vu des députés présents, majoritairement favorables à la loi. Bernard Accoyer, président du groupe UMP, invoque alors le quorum et parvient à faire capoter le vote. Mission accomplie pour le groupe UMP. Dans la foulée, la CFDT annonce, le 26 octobre, qu’elle signera le protocole du 18 avril 2006 puisque les « garanties demandées » par la centrale de M. Chérèque sont effectives. Le MEDEF et le gouvernement respirent.
Quatre conditions nécessaires
De quelles garanties s’agit-il ? Pour la CFDT, le marché était clair. Selon un de ses dirigeants (dans Libération du 27 octobre), quatre conditions étaient nécessaires à sa signature : l’engagement de l’État sur un fonds de professionnalisation et de solidarité, la reconstruction de nouvelles conventions collectives, la lutte contre la fraude, enfin, que l’accord du 18 avril ne soit pas balayé par une loi. Le gouvernement ayant tenu ses promesses au-delà des desiderata de la CFDT, plus rien ne s’opposait donc à la ratification du protocole. Il se trouve que l’ensemble des principaux intéressés et le Comité de suivi avaient fait part, dès le printemps dernier et après lecture du nouveau protocole soumis à signature, de « leur consternation et de leur incompréhension devant le refus manifeste de prendre en compte les conditions de travail du secteur culturel et de construire dans le dialogue un nouveau protocole. (...) Ce projet fait l’impasse sur les conclusions des différentes expertises réalisées, ne fait l’objet d’aucun chiffrage sérieux, ne pose pas les fondations d’un système cohérent, juste. (...) Il apporte quelques modifications, à la marge, du protocole de 2003 ». Ce qui fera dire plus tard, à Samuel Churin (Coordination des intermittents) : « Le protocole du 18 avril 2006 est identique au protocole de juin 2003 avec 34 000 intermittents en moins. »
La situation prêterait à sourire si la confusion et le déni de parole n’avaient pas été entretenus avec autant de diligence. C’est la CFDT prétendant défendre un « bon accord » utile à la profession qui assainirait les comptes de l’UNEDIC. C’est le ministre estimant que le nouveau protocole est meilleur pour les professionnels que le précédent, et qui oublie toutes les promesses faites depuis sa nomination pour que le législateur, « en cas d’échec des négociations, prenne ses responsabilités ». 34 000 intermittents ont été exclus depuis l’application du texte. Un certain nombre ont été rattrapés par un fonds transitoire financé par l’État (une sorte de caisse complémentaire voulue par la CFDT comme par le MEDEF). Même s’il est de bon ton de se soucier de « la solidarité interprofessionnelle », figure de style inscrite au fronton de tous les discours ministériels comme de ceux de la CFDT. Quant au déficit des annexes 8 et 10 jadis tant décrié, il est toujours là, malgré la baisse du nombre des allocataires. Pour la simple raison que plus et mieux on gagne sa vie dans le métier, mieux on est indemnisé par l’allocation de chômage. Une perversion dénoncée par tous les opposants du protocole mais qui ne saute aux yeux ni de la CFDT, ni du MEDEF, ni du gouvernement. Enfin, pour ce qui concerne le fameux « dialogue social », on peut s’interroger sur ses limites, au vu de la
représentativité - pour ne pas dire de la non-représentativité - des signataires du protocole, sur sa transparence et sur son efficacité, quand il semble que le MEDEF soit le seul maître à bord.
On pourrait énumérer plus longuement la liste des effets inverses aux effets d’annonce partiqués par le ministre. Déplorer l’attitude de certains parlementaires qui, contrairement à leurs promesses, ont, le 12 octobre dernier, au mieux déserté les bancs de l’Assemblée, au pire dit exactement l’inverse de ce qu’ils avaient dit jusqu’alors.
Comment qualifier cette attitude qui oppose « le dialogue social » au travail de fond réalisé par le biais du Comité de suivi,
représentatif, lui, et de la profession et du monde politique ? Que penser de toutes les manoeuvres en coulisses, tractations de tous ordres, accords passés sur le dos de toute une profession, pour s’assurer du silence tacite de certaines centrales syndicales sur d’autres sujets ? Beaucoup pensent qu’on a joué les intermittents contre la réforme des retraites. Triste spectacle auquel nous sommes conviés depuis plus de trois ans. Mauvais scénario, mauvais casting, production bâclée dans les seuls intérêts partisans. Le gouvernement a décidé de passer outre les avis de tous les experts qui ont longuement planché sur le sujet.
Couper court aux ambitions
Le défi à relever était d’inventer un nouveau système, pérenne et équitable. Avec la signature de la CFDT, le gouvernement pensait couper court aux ambitions des intermittents et du Comité de suivi.
D’ores et déjà, la CGT spectacle, la Coordination des intermittents, la SRF et d’autres organisations professionnelles appellent à une première assemblée générale ce lundi, à 18 h 30. Évidemment, tous pensent à l’avenir. L’avenir immédiat, c’est l’agrément ou non par le gouvernement de cet accord. Qu’est-ce qui l’empêcherait aujourd’hui moins qu’hier de le donner ? Les élections présidentielles peuvent jouer dans les deux sens. Un non-agrément éviterait de raviver des tensions sous-
jacentes dans le métier. Dans l’autre cas de figure, le gouvernement ne voudrait pas donner des signes d’affaiblissement
avant cette échéance électorale. L’intérêt général, le bon sens politique...
Ce soir, à 18 h 30, assemblée générale au Théâtre du Rond-Point, à
Paris.
Marie-José Sirach
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Politis
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Coup de Trafalgar
INTERMITTENTS. La CDFT signe le protocole très décrié d’avril 2006. Après avoir fait traîner sa décision pendant des mois, la CFDT a annoncé, le 26 octobre, qu’elle signait le protocole du 18 avril. Un texte qui prolonge celui de juin 2003 régissant le régime d’assurance- chômage des intermittents du spectacle. La CFTC lui a emboîté le pas.
La CGC devrait suivre. La nouvelle est doublement mauvaise. Pour les intermittents d’abord, de nouveau soumis à un texte qui ne leur convient pas. Pour la démocratie ensuite. En effet, cette décision va à l’encontre de ce que réclame le comité de suivi du dossier – qui regroupe notamment des membres de la Coordination des intermittents et précaires et des parlementaires de tous bords – et bafoue, ce faisant, cet exemple de coélaboration entre les politiques et la société civile. À l’heure où la démocratie participative prend dugalon, l’événement ne manque pas de cynisme.
Dès que l’accord du 18 avril entrera en vigueur, tout intermittent qui ne fait pas ses 507 heures en 10 mois pour les techniciens, ou 10 mois et demi pour les artistes, mais en 12 mois, bénéficiera pour solde de tout compte d’une allocation de fin de droits, mais une fois dans sa vie ! Pour adoucir le protocole de juin 2003, le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, avait mis en place un fonds transitoire qui a permis de « rattraper » près de 34 000 personnes.
Celles-ci sont maintenant menacées de radiation immédiate. Non seulement il y aura moins d’intermittents, mais il sera de plus en plus difficile d’obtenir ce statut. Le Medef obtient ainsi gain de cause.
La seule avancée dans le texte d’avril 2006, à savoir l’abandon du salaire journalier de référence dans le calcul de l’indemnité
journalière, est inopérante, selon les concernés, si elle n’impose pas une date anniversaire fixe sur une période de douze mois pour la déclaration des droits. « Pour exemple, explique la Coordination des intermittents et précaires, si un technicien met 15 mois pour épuiser ses 243 jours, seules les heures comprises dans un wagon de 10 mois serviront pour ce calcul. » Cependant que « le protocole du 18 avril 2006 continuera à verser des Assedic de luxe aux salariés à hauts revenus et, dans le même temps, exclura un tiers d’entre nous. » De quoi mesurer l’échec de l’intervention du ministre de la Culture sur ce dossier, et la portée du geste de Bernard Accoyer, le 12 octobre.
Ce jour-là, le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale a bloqué, dans l’hémicycle, le vote d’une proposition de loi qui,
cosignée par 471 parlementaires, devait pérenniser le régime d’assurance-chômage des intermittents. La CFDT prétend avoir obtenu des garanties concernant un fonds de professionnalisation et de solidarité, financé par l’État, et l’établissement de huit
conventions collectives permettant de définir le recours à l’intermittence. Les intermittents, eux, parlent de catastrophe.
Ingrid Merckx
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