A l'occasion du déplacement du président de le république en Lybie, au
Sénégal et au Gabon, des associations ont souhaité réagir sur le bilan
intermédiaire mitigé de Nicolas Sarkozy en matière de relations
franco-africaines.
Vous trouverez ci-jointe une tribune rédigée par des responsables
d'ATTAC, de Survie, du Cedetim, du Mouvement de la Paix et de la
Fédération des Congolais de la Diaspora, diffusée à la presse sous forme
de communiqué.
Une action symbolique et visuelle sera par ailleurs organisée jeudi
26 juillet à Paris par des militants de Survie et de la Cellule
Françafrique: un "tour de Françafric" (tenues sportives,
casques coloniaux et produits dopants de rigueur) qui sillonnera les
hauts lieux de la Françafrique du 16ème arrondissement
Le dossier de presse et le parcours de cette manifestation sont
disponibles sur
http://www.cellulefrancafrique
Communiqué, le 25 juillet 2007
Nicolas Sarkozy effectue cette semaine son premier voyage présidentiel
en Afrique subsaharienne. Après avoir rendu visite à Muammar Kadhafi,
chef dEtat que la France a cessé depuis longtemps de considérer comme
infréquentable, intérêts économiques obligent, il prononcera un discours
sur « sa » politique africaine, à Dakar, jeudi, avant de rendre visite à
Omar Bongo. Un mélange des genres qui reflète les ambiguïtés des 10
premières semaines à lElysée en matière de relations
franco-africaines.
« Nous ne soutiendrons ni les dictatures, ni les pays dirigés par des
régimes corrompus » : le programme électoral de lUMP affichait
clairement une volonté de rompre avec la politique africaine
traditionnelle. Il faisait écho à lappel pour « une autre relation
entre la France et lAfrique » envoyé aux candidats à la
présidentielle par 150 organisations de la société civile de 20 pays
dAfrique en février 2007. Pourtant, depuis son entrée en fonction, entre
rupture « tranquille », continuité et innovations, le président a émis
des signaux très contradictoires.
Côté « rupture », beaucoup dobservateurs ont décelé un attachement moins
marqué pour limpunité des acteurs de la Françafrique. Pour preuve, la
plainte de 3 associations pour recel de détournement de biens publics,
visant le patrimoine immobilier des chefs dEtat africains, a débouché sur
louverture, le 18 juin, dune enquête préliminaire. Au grand dam des
présidents gabonais et congolais. Autre signal fort, inimaginable sous
lère chiraquienne : labandon de la thèse officielle du suicide du Juge
Borrel à Djibouti en 1996, doublé de perquisitions chez lancien
responsable de la « cellule Afrique » de lElysée, Michel de Bonnecorse.
Sans oublier larrestation en France la semaine dernière de deux présumés
génocidaires Rwandais poursuivis par le TPIR.
Sur le plan institutionnel, en confiant les Affaires étrangères et la
Coopération à des ministres de gauche (encore que le bord politique nait
jamais été déterminant en matière de relations franco-africaines) et en
créant un secrétariat dEtat aux Droits de lHomme, le Président a sans
doute souhaité adresser un signal progressiste. La volonté affichée par
Jean-Marie Bockel, le 17 juillet, de conditionner laide au respect de la
démocratie et des droits de lHomme, si elle nest pas sans rappeler les
(vaines) promesses du discours de La Baule de François Mitterrand en
1990, irait dans ce sens.
Mais déjà, le mutisme de Rama Yade lors de son passage en Tunisie ou les
allégements de dette exceptionnels accordés récemment au Gabon
relativisent le propos. Nicolas Sarkozy semploie-t-il en fait à brouiller
les pistes ? Le renforcement de léquipe « Afrique » de lElysée peut-il
laisser émerger les nécessaires contre-pouvoirs parlementaires et
citoyens sur des sujets aussi sensibles que les interventions militaires
ou les quitus électoraux au Togo ou au Tchad ? La clarification annoncée
des relations avec les Etats africains est-elle envisageable quand, aux
interlocuteurs existants que sont le Quai dOrsay, la Coopération, lAFD,
Bercy et la Défense, sajoutent le ministère du Codéveloppement et le
secrétariat dEtat aux Droits de lHomme ?
Autre sujet ambigu, les relations avec des chefs dEtat à nos yeux
infréquentables, notamment ceux des pays pétroliers. Alors quil laisse
souvrir une enquête concernant Denis Sassou Nguesso et Omar Bongo, le
président français multiplie les signes damitié envers eux. Le 6 mai, à
peine élu, Nicolas Sarkozy appelle Omar Bongo pour linformer de sa
victoire et le remercier pour ses « conseils ». Afin de ne pas afficher
trop ouvertement ses connivences avec le président gabonais, il semploie
à recevoir la présidente libérienne la veille de sa venue, le 25 mai
dernier. Omar Bongo ne sera donc pas le premier chef dEtat reçu à
lElysée, mais il obtient que les principaux ténors du gouvernement Fillon
défilent, le lundi de Pentecôte, dans lun de ses luxueux appartements
visés par le parquet de Paris. Le 19 juillet, il obtient du Club de
Paris, qui réunit les principaux pays créditeurs, un remboursement
anticipé de la dette gabonaise environ 15% en dessous de sa valeur. La
mesure, du jamais vu, coûte plus de 150 millions deuros à la France. La
population gabonaise, dont 40% vit sous le seuil de la pauvreté, nen
verra probablement guère la couleur. Peu importe, Nicolas Sarkozy veut
sassurer un accueil chaleureux au Gabon, où il se rend le 26 juillet. D.
Sassou Nguesso, quant à lui, a été reçu à lElysée le 5 juillet, juste
après des élections législatives grossièrement tronquées au Congo.
Plusieurs de ses proches sont poursuivis pour crime contre lhumanité dans
laffaire du Beach et pour détournement massif de revenus pétroliers, mais
la corruption et labsence dEtat de droit sont à peine évoquées lors de
lentretien présidentiel. Il y a fort à craindre quils ne le soient pas
davantage lors de la rencontre avec le président lybien Muammar
Kadhafi.
Le signal le plus négatif envoyé au continent noir reste le nouveau
dispositif sur les migrations. Nicolas Sarkozy a construit son
impopularité en Afrique lors de son passage à lIntérieur. La mise en
application de « limmigration choisie » ne devrait pas y remédier. Vider
le continent de ses compétences tout en fermant la porte aux migrants
africains nest pas seulement paradoxal. Cest cynique. Car après tout, les
migrants ne font que suivre les capitaux de leurs pays : on estime que
pour un euro daide reçu par lAfrique, 4 à 8 euros quittent le continent
illégalement vers des comptes bancaires internationaux. Sans oublier les
rapatriements des bénéfices des multinationales comme Bolloré, Total ou
Bouygues. Plus que de contrôler limmigration, lenjeu nest-il pas de
permettre aux Africains de vivre de leurs richesses ?
Des défis, Nicolas Sarkozy sen est lancés. Construire avec lAfrique
une relation « nouvelle, assainie, débarrassée des scories du passé
» nest pas le moindre. Les citoyens français et africains attendent
des signes forts et des mesures claires.
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