Une nouvelle fois, nous ne résistons pas à l'envie de reproduire cet entretien avec Jacques Rancière, l'un des penseurs majeurs de ce temps sur la démocratie. En tout cas, l'un de ceux qui va le plus loin, résolument, en revenant aux sources et en affirmant toujours, inéluctablement, le besoin impérieux de la participation de tous, pour toute hypothèse de résolution commune des problèmes auxquels est confrontée aujourd'hui la société française.
voir aussi:
http://rivnord.viabloga.com/news/de-la-nuit-des-proletaires-a-le-maitre-ignorant-un-philosophe-de-la-democratie
http://rivnord.viabloga.com/news/que-fait-riv-nord
http://rivnord.viabloga.com/news/nous-sommes-les-medias
Entretiens. Jacques Rancière, philosophe, défend une plus grande participation des citoyens aux processus de décision : «On est revenu à une campagne traditionnelle»
Par Eric AESCHIMANN
QUOTIDIEN : samedi 21 avril 2007
http://www.liberation.fr
elections2007/249063.FR.php
Jacques Rancière est philosophe. Il a publié, en janvier, Politique de la littérature, aux éditions Galilée.
Comment jugez-vous la campagne qui s'achève ?
En 2002, on avait vu apparaître au grand jour un écart important entre les formes officielles de la représentation politique et l'exigence démocratique de la participation du plus grand nombre à la
vie publique. Le non au traité constitutionnel, les émeutes dans les banlieues ou la bataille du CPE ont confirmé le diagnostic et nourri une réflexion sur la démocratie comme nécessaire participation de
tous. Au début de cette campagne, on a pu avoir le sentiment que cet écart serait pris en compte. Or, petit à petit, on est revenu à une campagne traditionnelle et aux vieilles catégories : le vote utile,
les tentatives des candidats de concilier des programmes calculés par des experts et l'impératif d'un rapport supposé charismatique avec le peuple.
Ce retour à la normale était-il fatal ?
L'élection présidentielle n'est pas le meilleur cadre pour une remise en cause. C'est la pointe d'un système représentatif où toute la vie politique du pays dépend du choix d'un seul individu et où il s'agit, en définitive, d'obtenir le consentement de la majorité au jeu des possibles défini par les oligarchies économiques et bureaucratiques.
La France vit dans un système politique à deux pieds. Une fois tous les cinq ans, une cérémonie présidentielle est censée concrétiser l'idée de la démocratie ; et puis, entre temps, des dossiers
particuliers retraites, sans- papiers, école, emploi permettent des formes de démocraties élargies, qui font appel à des capacités communes inédites. Il manque une articulation entre les deux.
Malgré tout, la campagne a-t-elle clarifié les enjeux ?
Il est clair que le monde financier international et la bureaucratie européenne voient en Nicolas Sarkozy l'homme providentiel, capable de remettre la France sur le rail d'un système social soumis à la loi du marché et de supprimer les bizarreries françaises. Le problème est qu'il n'y a pas d'alternative claire à ce choix. La gauche, dans son ensemble, n'y arrive pas, parce qu'elle accepte de se placer sur le terrain de l'adversaire en négligeant ce qui devrait être sa différence : constituer, avant de savoir ce qu'il faut décider, un espace démocratique de décision favorisant la multiplication et la confrontation des expertises. Tant qu'elle s'en tiendra à une série de contre-mesures et de chiffrages d'experts, à des promesses basées sur des probabilités de croissance économique, elle n'arrivera jamais à créer une force démocratique alternative.
Au début, Ségolène Royal s'est montrée sensible à cette thématique...
Oui, et j'ai même eu la surprise de voir apparaître, dans le débat public, des idées que j'avais exprimées sur la capacité de tous à participer à la décision ou sur les vertus du tirage au sort. Puis
tout cela a disparu, peut-être parce que le sujet est arrivé par surprise à des élites gouvernementales pour lesquelles il est encore neuf. Pour faire avancer la réflexion là-dessus, il faudra compter sur des initiatives lancées hors du système institutionnel.
Ministère de l'Identité nationale, drapeau aux fenêtres : assiste-t-on à une dérive populiste ?
Le populisme, c'est quand un leader politique établit un rapport personnel direct avec la population. Or, tel est le fondement de l'institution présidentielle dans la Ve République. Cessons donc de
le mettre au compte des passions populaires. Plutôt que de se focaliser sur le drapeau de Ségolène Royal, il faut se demander quelle France devrait avoir accès à la décision politique, actuellement réservée à des groupes privilégiés. On répond souvent en termes de quotas mais, au lieu d'évaluer les catégories à représenter, mieux vaut penser en termes d'utilisation des capacités du plus grand nombre. Une France nouvelle serait une France dont l'éventail des capacités aurait été élargi. Il est sûr que la stigmatisation des populations issues de l'immigration et la glorification de la colonisation ne favorisent pas cette définition d'une nouvelle France.
La campagne semble avoir intéressé les Français...
Comme on l'a vu depuis 2002, il y a en France un intérêt maintenu pour la politique comme décision commune. Cet intérêt, qui peut prendre des formes d'expression variées grèves, émeutes, abstention
joue le rôle d'un correctif de ce que nos institutions ont de plus monarchique qu'ailleurs. Le paradoxe veut que lorsque cet intérêt se focalise sur une élection telle que celle-ci, la première bénéficiaire en est cette mince élite qui monopolise la politique.
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